Changer la gauche

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Charte fondatrice


Le 6 mai 2007, pour la troisième fois consécutive, la gauche a échoué dans la course présidentielle. La nouvelle, désespérante, n’a pourtant étonné personne. Nous avions tous compris que pendant cette campagne, la droite avait remporté la bataille idéologique et que, paradoxalement, elle avait fini par mériter un victoire que bien peu lui prédisaient un an auparavant.

Après douze années aux affaires, alors que les troupes du Président sortant étaient exsangues, la gauche a délaissé à la droite le monopole de la rénovation idéologique.

Les Français ont pourtant envoyé un signal fort, cinq ans plus tôt, en ne plaçant pas le parti socialiste au second tour de la même élection. L’échec peut être vertueux s’il rend humble. Mais les excuses les plus diverses ont alors été préférées par la gauche à une sérieuse remise en cause. C’est la raison de sa chute.

Combien d’échecs nécessaires ? Combien d’énergies dépensées en vain avant de présenter un visage neuf et moderne ?

Pendant cinq années, croyant suffisant le seul jeu de l’opposition, la gauche n’a pas produit d’idée nouvelle. Il était illusoire d’espérer se maintenir sans mettre en cause ses idées, ses projets, ses ambitions.

Accablés par ce constat, nous redoutons l’immense gâchis que constituerait le maintien de telles positions.

En 1981, François Mitterrand, qui le premier ancra la gauche dans une logique d’alternance et de gouvernement, fondait son programme sur l’ambition de « changer la vie ». L’espoir n’est pas caduc, mais changer la gauche en est le préalable nécessaire.


1) La prochaine victoire de la gauche doit être une victoire culturelle. Reconnaissons enfin qu’il est inutile de réfléchir à quelque mesure précise si ce n’est pas, préalablement, tout le socle des valeurs dans lesquelles elle s’ancre qui a été repensé.

Avec sa candidate, le parti socialiste a défendu cent propositions lors de la dernière campagne présidentielle : une seule aurait suffi, si elle avait été seulement mûrie.

2) Ce n’est évidemment pas en niant ou en oubliant ses valeurs que la gauche se modernisera, mais bien en les retrouvant, en les adaptant. Nous souhaitons que la gauche laisse de côté les réflexes conditionnés et les vieilles lunes, s’obligeant à ne critiquer une mesure que pour en proposer une autre, alternative, jugée meilleure et constructive. Alors seulement elle regagnera la confiance et l’estime des Français.

3) Car ce n’est pas une ambition archaïque que de s’opposer intelligemment à l’ordre établi. La gauche doit respecter son idéal d’émancipation de la personne humaine, qui ne passera plus aujourd’hui par les formules toutes faites. Nous avons beaucoup de retard à gauche. Plus que jamais, il convient de replacer à gauche le progressisme qui l’a longtemps caractérisée.

Ne laissons pas la droite convaincre les Français que le mouvement a changé de bord. Faisons mentir ceux qui pensent que la gauche, toujours ankylosée et incapable de reconnaître ses erreurs, deviendra le lieu du véritable conservatisme.

La situation nous attriste. Elle nous révolte. Car nous savons, au plus profond de nous-même, que la gauche a encore une voix à porter et que la seule gauche véritablement utile est une gauche au pouvoir, qui fasse entendre en son siècle une voix différente.

Issus de formations universitaires et de milieux différents, nous partageons l’amour de la gauche et la volonté, pour la reconstruire, de nous placer ensemble à l’articulation du monde politique et du monde universitaire pour élaborer, avec l’aide de différents spécialistes, un corps de doctrine progressivement renouvelé, où la gauche pourra trouver matière à se réformer. C’est là notre ambition la plus chère.


Ecrit à Jouy-sous-les-côtes, le 3 juin 2007,
par les membres du Club Changer la gauche

Julien Jeanneney (Président)
Mathias Chichportich (Secrétaire)
Manon Garcia (Trésorière)
Damien Ientile
Harold Huwart
Francesco Avvisati
Emmanuel Martin
Matthieu Niango
Pierre Haroche