Le 10 mai, après avoir rencontré les 16 dirigeants des Länder (les 16 États-régions d’Allemagne), le gouvernement allemand a pris une série de mesures pour lutter contre « l’immigration illégale ». Utilisant la logique raciste des « bons et mauvais migrants » comme couverture, l’Allemagne s’apprête à renforcer sa répression des migrants aux frontières, en les traquant et en les expulsant en plus grand nombre. Il s’agit d’une politique globale des États membres de l’Union européenne, en prévision du prochain Pacte européen sur l’asile et l’immigration, prévu pour 2024.
Un nouveau saut dans la politique xénophobe de l’Allemagne
Le chancelier Olaf Scholz, un social-démocrate qui dirige une coalition avec les Verts et les Libéraux, a annoncé des mesures qui sont doubles : renforcer les mesures répressives à l’intérieur du pays et fermer davantage les frontières.
Sur le premier point, le gouvernement allemand envisage de refondre ses systèmes informatiques afin de traiter rapidement les demandes d’asile et de visa. Ceci, à son tour, permettra à l’État d’expulser plus facilement ceux qui ont été refusés.
Parallèlement à cette rationalisation administrative, le gouvernement va enfermer plus longtemps les demandeurs d’asile déboutés — la durée maximale de détention pour expulsion devrait passer de 10 à 28 jours.
De plus, Scholz entend s’appuyer sur des accords incitatifs ou des contraintes économiques imposées aux pays d’origine des migrants, les forçant à accepter l’afflux des déportations. Cité par France 24, Scholz a déclaré : « Il s’agit de faciliter l’arrivée de personnels qualifiés de ces pays, mais en contrepartie, de conclure des accords très clairs sur le retour de ceux qui seront refoulés.
En outre, la chancelière et le gouvernement fédéral prévoient également de renforcer le contrôle policier systématique aux frontières par le biais d’accords bilatéraux avec les pays voisins, comme il l’a déjà fait avec l’Autriche et la France. L’accord avec la France prévoit la mise en place d’une force de police commune pour sévir encore plus contre les migrants qui tentent de franchir la frontière entre les deux pays parce que leurs demandes d’asile ont été refusées. C’est le sens de « solidarité » et de « coopération » pour l’Union européenne des capitaux et des barbelés.
Une politique globale de l’UE et de l’OTAN
Le Pacte Asile et Immigration, prévu pour le printemps 2024, prévoit une uniformisation des réglementations européennes dans le même sens que celles proposées par Scholz et par le président français Emmanuel Macron. Les membres de l’UE s’apprêtent, une fois de plus, à se surpasser en matière de sécurité aux frontières (plus de drones et de miradors, ainsi que le renforcement de Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes) tout en perfectionnant la chasse aux migrants, notamment par le biais d’échanges bilatéraux entre les pays membres et en renforçant Eurodac, un système biométrique permettant d’identifier toute personne entrant dans l’espace Schengen. Les impérialistes européens entendent peser de tout leur poids sur les pays semi-coloniaux pour accélérer les expulsions, quitte à mettre en danger économiquement des pays comme le Pakistan. Comme l’a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, dans une lettre envoyée aux 27 pays membres de l’UE fin janvier : « Des mesures rapides sont nécessaires pour assurer des retours efficaces de l’Union européenne vers les pays d’origine, en utilisant comme levier toutes les politiques, tous les instruments et tous les outils pertinents de l’UE.
Ces objectifs inhumains étaient déjà au cœur des résolutions du sommet de l’OTAN tenu à Madrid en juin 2022, qui définissait l’immigration comme une « menace hybride ». Au sein de l’Union européenne, les mêmes politiques sont appliquées dans les différents États, qu’ils soient gouvernés par la droite ou par la gauche.
Ainsi, alors que Pedro Sanchez — Premier ministre espagnol et chef de la coalition PSOE/Podemos/PCE — refuse de construire de nouvelles clôtures de barbelés financées par des fonds européens (en raison, en vérité, d’un simple désaccord comptable), il est en première ligne de la stratégie visant à renforcer la dépendance économique des pays d’origine des migrants afin de les utiliser comme monnaies d’échange pour « l’aide au développement ». Il promet que « l’Espagne travaillera dur pour parvenir » à un consensus sur le pacte européen sur l’immigration. L’Espagne sous-traite désormais le traitement des migrants directement à la monarchie marocaine et laisse les gens mourir dans les barbelés de Ceuta et Melilla, les villes portuaires espagnoles d’Afrique du Nord.
En Belgique, en plus de restreindre l’accès au regroupement familial, l’accord de mars sur les migrations pourrait permettre au gouvernement de doubler les expulsions en deux mois. Pour ce faire, le Premier ministre Alexander De Croo a mis en place une meilleure « coopération » avec les pays d’origine pour accélérer les expulsions, tout en facilitant le système d’expulsion et la traque des migrants avec la mise en place de nouvelles forces répressives.
Les mêmes politiques sont menées en dehors de l’UE. En Angleterre, le Premier ministre conservateur Rishi Sunak travaille sur un projet de loi sur l’immigration qui permettrait aux migrants « illégaux » d’être détenus dans des ferries, des camps militaires ou des prisons sans caution ni contrôle judiciaire pendant les 28 premiers jours de leur détention, jusqu’à ce qu’ils puissent être détenus. déporté. Suite à des accords avec le Rwanda, le Royaume-Uni peut désormais également utiliser ce pays comme zone de transfert pour expulser et détenir des demandeurs d’asile. Le gouvernement britannique travaille également sur une refonte informatique dans le but de rationaliser les systèmes d’enregistrement et d’expulsion des migrants.
Partout en Europe, des efforts sont déployés pour rationaliser la bureaucratie, accélérer les procédures et renforcer les forces de police, destinées à harceler et à violer les peuples migrants, à les traquer et même à forcer leurs tentes, comme le fait si bien la police française. Récemment, l’homme politique français Olivier Véran (qui se considère comme un rempart contre l’extrême droite) a expliqué que c’est ainsi que l’extrême droite pourrait s’effondrer. Pourtant, alors qu’ils dégradent les conditions de vie et de travail, les sociaux-démocrates, les libéraux et la droite à travers le continent mettent déjà en œuvre l’agenda de l’extrême droite, même lorsqu’ils ne sont pas directement alliés avec elle.
Gérald Darmanin, ministre français de l’Intérieur, vise même désormais à faire pire que l’extrême droite, comme l’illustre sa surenchère xénophobe avec le Premier ministre italien Giorgia Meloni, chacun accusant l’autre d’une répression insuffisante. Derrière les tensions passagères, tous les gouvernements partagent le même objectif : faire de la Méditerranée un immense cimetière. En France, alors que le gouvernement remet sur la table la loi sur l’immigration, il mène une opération policière et coloniale d’envergure à Mayotte, un archipel de l’océan Indien que la France utilise comme colonie. Il est urgent que le mouvement social né contre la réforme des retraites se mobilise également contre ces politiques racistes et meurtrières, exigeant l’ouverture des frontières et l’admission légale des sans-papiers.
Publié pour la première fois en français le 17 mai sur Révolution Permanente.
Traduit par Ida Bréilte
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