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Billets d'humeur

Les médecins, corps introuvable, par Emmanuel Martin et Matthieu Niango

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Qui peut bien défendre les dépassements d'honoraires excessifs de certains médecins ? Qui estime légitime que des consultations privées données au sein d’un hôpital public puissent rapporter à certains praticiens jusqu’à 50000 euros au titre desdits dépassements ? Pourtant, les négociations du Ministère de la santé avec les organismes sociaux et les syndicats de médecins pour encadrer ces abus se sont soldées par un échec. Comment comprendre qu’une mesure de justice aussi évidente n’ait pu faire l’objet d’un projet sérieux au terme de discussions dont le gouvernement ressort affaibli et l’image des médecins plus mauvaise encore qu’auparavant ?


L’accord qui a vu jour le 22 octobre dernier s'en remet aux commissions paritaires régionales pour obliger les médecins à pratiquer des honoraires qui ne doivent pas aller au-delà de 150% du tarif de consultation fixé par la Sécurité sociale. Par ailleurs, il est créé un contrat d'accès aux soins pour les médecins en secteur 2, dont les signataires s'engagent d'un côté à ne pas augmenter la part des actes avec dépassement pendant trois ans, et de l'autre à ne pas pratiquer de dépassements d'honoraires pour les patients bénéficiant de la CMU. Mais il s'agit là d'un accord limité reposant sur des mécanismes incitatifs dont on peut s'attendre à ce qu'ils soient sans effet : les commissions paritaires sont composées pour moitié de médecins, et les engagements du contrat d'accès aux soins sont strictement personnels et volontaires. Autant dire qu'ils n'engagent pas à grand-chose. Bref, ceux qui le souhaiteront pourront continuer à facturer 80 € le retrait d'un bouchon de cérumen à un retraité des mines de Saint-Avold.

Pourtant, interrogez un médecin au hasard à propos du résultat de ces négociations. Peut-être sortira-t-il vite de ses gonds et poussera les hauts cris. Dès lors tout y passera : un concours de première année totalement inhumain, 10 ans d'études dont l'homme du commun ne soupçonne pas le moins du monde la dureté, un internat dont plusieurs vies de privilèges ne suffiraient pas à dédommager les souffrances inouïes, une vocation sacrificielle qui impose de travailler 50 heures par semaine dans les pires conditions, sans un merci de la part de celui dont on vient de sauver la vie, une liberté d'installation bafouée par les oukases de la bureaucratie, des medias unanimement défavorables aux justes revendications d'une profession malmenée, sans compter les blocages institutionnels organisés par des parlementaires à la solde des mutuelles. Et pour quelle reconnaissance ? Au mieux, à peine plus de 10 000 euros mensuels (moyenne des revenus des médecins spécialistes libéraux). En un mot, la question initialement débattue est noyée dans le flot habituel des doléances.

S'énonce ici le discours de ce qui s'apparente à une corporation, dont les membres auraient tous le même intérêt commun. Selon cette logique, s'attaquer aux dépassements d'honoraires d'un PUPH richissime laisserait planer la menace d'une dégradation des conditions de travail déjà difficiles d'un interne de la même spécialité qui enchaîne les gardes payées 130 euros la nuit. La logique corporatiste, utilement déployée par les actuels représentants de la profession, permet donc de masquer la disparité objective des conditions sociales au sein du "corps médical". On comprend que ces représentants, eux-mêmes issus des rangs des médecins les mieux rémunérés et les plus conservateurs, aient tout intérêt à ne pas inviter les internes à la table des négociations, afin de mieux entretenir auprès d'eux l'illusoire communauté des revendications. Ainsi, ceux parmi les médecins qui connaissent le plus de difficultés prêtent leur concours à la pérennisation des privilèges d'un petit nombre de praticiens bien installés. La grève, arme ultime des mouvements sociaux, s'apparente ici à un instrument de lutte manié par les dominés (internes, en l'espèce) au profit des dominants (professeurs de médecine, médecins libéraux les plus fortunés). Peut-être ce singulier renversement de la lutte des classes est-il entretenu par l'espérance des nouveaux entrants d'intégrer un jour le gotha. La dureté des années d’internat constituerait pour certains un rite de passage légitimant les ahurissants privilèges dont bénéficient ensuite pour la vie certains médecins peu soucieux du serment d’Hippocrate.

Le grand tort du gouvernement est donc de n'avoir pas su faire fonds sur les disparités réelles du corps médical.  Ainsi la ministre est-elle venue vers le "corps médical" avec un mandat flou, allant de l'encadrement des dépassements d'honoraires à la liberté d'installation, en passant par la question des déserts médicaux. On aurait pu s'en tenir aux sanctions à mettre en œuvre contre les dépassements abusifs, qui font scandale y compris chez les médecins eux-mêmes. Encore fallait-il ne pas verser dans l’illusion corporatiste et croire qu’il existe un Médecin dans le ciel des Idées. Pour réformer le système de soins français –  comme du reste en matière de fiscalité sur le capital – il faut traiter les dossiers les uns après les autres, avec les interlocuteurs concernés et seulement avec eux, au lieu de tout vouloir réformer d’un coup avec pour résultat une volée de bois vert cinglante. C'est à cette condition qu'on pourra faire avancer des réformes de la santé, sans qu’à chaque tentative on se voit opposer que c'est Ambroise Paré qu'on assassine
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Emmanuel Martin et Matthieu Niango




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Sarkozy, sors de ce corps !, par Pierre Haroche

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Nombreux sont ceux qui se demandent aujourd’hui si Manuel Valls n’est pas la doublure de Nicolas Sarkozy. Une doublure d’autant plus « décomplexée » (pour reprendre une terminologie chère à notre ancien Président) qu’elle pourrait se parer des plumes de la gauche.


La première alerte a retenti cet été avec la campagne de démantèlement des campements roms. A ce stade, il était encore permis d’hésiter. Après tout, le ministre de l’Intérieur se doit de faire appliquer les décisions de justice. Et le gouvernement, en rupture avec l’odieuse circulaire d’août 2010 qui instituait le ciblage ethnique des Roms, publiait une circulaire insistant quant à elle sur la prévention, une meilleure insertion dans le marché du travail et la continuité de l’accès à l’éducation et à la santé. Cependant, certains soulignaient déjà que ces points reflétaient moins la position de Manuel Valls que les contraintes du compromis interministériel.

Puis, en septembre, il y eut la remarque sur le droit de vote des étrangers aux élections locales, qui ne serait « pas une revendication forte » selon le ministre, puis l’abandon de l’idée du récépissé pour limiter le contrôle de police au faciès. Là encore, les personnes de bonne volonté pouvaient tempérer : une petite phrase qui ne remet rien en cause ; une mesure techniquement peu pratique.

Enfin, l’incident de trop. Libération rapporte le cas de ces Françaises d’origine marocaine, arrêtées place du Trocadéro alors qu’elles étaient en train de photographier la Tour Eiffel. Le gouvernement avait passé la semaine précédente à jurer fidélité à la liberté d’expression et au droit à la caricature en faveur de Charlie Hebdo. Et voilà que, pour prévenir un rassemblement virtuel, des citoyens français qui ne cherchaient clairement pas à manifester sont appréhendés au seul motif de leur apparence physique et conduits au commissariat sans qu’aucune explication ne leur soit donnée. Le parallèle est saisissant. D’un côté on défend avec emphase la liberté d’expression, de l’autre, des gens qui n’ont même pas cherché à en faire usage se voient traités comme des citoyens de second ordre, des suspects naturels.

Récemment, j’ai entendu Ed Rendell, ancien gouverneur de Pennsylvanie faire la réflexion suivante : s’engager en politique, c’est choisir une cause pour laquelle on est prêt à perdre les élections. Selon lui, Obama pourrait perdre en novembre à cause de sa réforme de la santé, mais offrir une assurance à 30 millions de personnes qui n’en avaient pas les moyens, voilà une cause qui mérite qu’on soit prêt à perdre pour elle. Aujourd’hui, la gauche française est à la croisée des chemins. Elle peut se laisser aller à la dérive impulsée par le ministre de l’Intérieur et faire du sarkozysme sans Sarkozy, en se disant qu’après tout, c’est populaire. Ou elle peut se demander pourquoi elle est là et quelles grandes « causes » elle défend.

Aucune majorité n’est éternelle. Tous les gouvernements finissent par perdre les élections. En définitive, la seule question qui vaille est : qu’est-ce que ces hommes et ces femmes auront laissé à leur pays ? Alors s’évanouissent les calculs opportunistes, les prudences velléitaires. Peu de choses restent : une abolition de la peine de mort ; un « Obamacare ». Des combats parfois impopulaires au départ mais qui illustrent à eux seuls l’engagement de ceux qui les ont portés et prolongent leur héritage bien au-delà des revirements électoraux. Cette histoire là reste à écrire.



Pierre Haroche



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Longue vie à Claude Guéant !, par Matthieu Niango

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Claude Guéant ne doit pas en revenir. Lui qui n’a jamais été élu peut dire, au nom de la France, tout ce qu’il veut et même n’importe quoi. Seulement, à défaut de lui demander de lire la Princesse de Clèves, on est en droit de lui rappeler qu’il faut être un peu rigoureux quand on fait usage de concepts aussi chargés de sens et de conflits potentiels que celui de civilisation. Car que voulait-il dire au juste quand il affirmait, devant des étudiants de l’UNI, puis au micro de RTL, que "toutes les civilisations ne se valent pas", que "celles qui défendent l'humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient", que "celles qui défendent la liberté, l'égalité et la fraternité, nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique" ?

Identifiait-il le mot de civilisation à un ensemble de pratiques et de manières de penser transmises de génération en génération au sein d’un groupe humain qui s’y reconnait ? En somme, prenait-il "civilisation" pour un synonyme de "culture" ? Mais, s’il s’était agi, selon lui, de défendre la culture française, on comprendrait mal pourquoi il aurait, comme il l’a fait plus loin dans sa déclaration, opposé "notre" civilisation, à la France d’avant 1945 (moment du vote des femmes) ou 1981 (abolition de la peine de mort). La civilisation entendue comme culture ou comme n’importe quoi d’autre n’est pas un instantané, mais se constitue dans le temps.

Entendait-il alors par civilisation un ensemble culturel transnational, soutenu par une vision du monde tendant à l’unité ? Parlait-il en somme de la civilisation chrétienne ? Saint Paul pourtant n’est pas un féministe, qui déclare, dans son
Epître aux Ephésiens : "Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur ; en effet, le mari est le chef de la femme, comme Christ est le chef de l'Église, qui est son corps, et dont il est le Sauveur. Or, de même que l'Église est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l'être à leurs maris en toutes choses". Et en lisant par exemple Saint-Augustin, on ne voit pas que la civilisation chrétienne ait toujours été portée à la tolérance. Le Père de l’Eglise estime la liberté de culte incompatible avec la Bible. On y lit en effet, dans une parabole de l’Evangile de Luc, placés dans la bouche d’un Maître à qui son serviteur demande ce qu’il doit faire si les invités qu’il l’envoie chercher refusent de venir chez lui, ces mots qui sonnent pour Augustin comme une sentence de mort à l’endroit de tous les incroyants : "Tu les forceras à entrer".

C’est que le mot de "civilisation" recouvre un troisième sens encore, qui relègue la comparaison entre Musulmans, Chrétiens, Chinois ou Hottentots, au rang de funeste niaiserie. "Notre civilisation", comme le dit pompeusement Guéant, en tant que mise en commun de ce que les cultures ont de meilleur, en tant que point de convergence du
nec plus ultra de toutes les traditions en lesquelles elle se reconnait, est aussi juive que chrétienne, ou musulmane, ou athée. Il suffit d’aller à Cordoue pour prendre la mesure de ce que l’Europe doit aux Arabes. Et il faut, de toute urgence, inviter à faire un tour au Panthéon ceux qui tiennent Jeanne d’Arc pour l’unique symbole de la France immortelle−Jeanne, une pucelle brûlée à 19 ans dont la vénération a sans doute de quoi fasciner plus d’un psychanalyste.

Alors contre qui "défendre" cette civilisation occidentale qui se distingue par son aptitude à tirer le meilleur des mondes avec lesquels elle entre en contact prolongé ? Existe-t-il des civilisations qui, par essence, prônent l’inégalité entre homme et femme ou bien la haine de l’homme par l’homme ? Ou ces dérives sont-elles générées par ceux qui cherchent à définir tous les autres à l’aune de leur petit point de vue, et accèdent soudain à ce pouvoir qui en fait des dangers publics ? Auquel cas le Ministre aurait raison. Mais, en disant "qu’il faut défendre notre civilisation", c’est contre lui-même qu’il nous mettrait alors en garde.

Danger assurément, et d’autant plus aigu que Guéant pense ce qu’il dit autant qu’il dit ce qu’il pense. On le sait tous au fond : en utilisant sans rigueur et sans autre précision le concept de "civilisation", il s’en prend à tous ceux qui ne sont pas comme lui, ou ne se plient pas facilement à ce qu’il a prévu pour eux. France des petits villages et des vertes collines ; France de parcs aux têtes blondes et joufflues, jouant sous les regards nonchalants de nurses africaines aux fesses bien rebondies ; France de Barrès, où l’on se salue en sortant de la messe ; France du vin et du saucisson, où les immigrés sont tolérés, voire aimés comme des frères, mais pas comme des beaux-frères quand même. Rêve de Guéant. Nulle stratégie ici. Accordons-lui de croire vraiment que tout ça serait mieux pour tout le monde.

Or, à l’écoute de ses idées (mais il se fait ici le porte-parole d’une partie de sa majorité), le geste de la quasi-totalité des commentateurs consiste à pointer sa soi-disant hypocrisie, sa prétendue volonté de rafler des voix au FN, ou encore ce qu’ils tiennent pour une stratégie dangereuse. Depuis le coup des
Français qui sont plus chez eux jusqu’à celui des immigrés responsables des problèmes de l’école, en passant par celui de la croisade de Sarkozy chez les méchants Libyens, on accueille tous les propos de Claude Guéant avec une stupéfaction qui finit par lasser.

Comme si l’intolérance ne pouvait être frappée au sceaux de l’authenticité. Comme si la gauche et la droite républicaine se devaient de qualifier d’"hypocrite" tout ce qui sort de leurs sentiers battus. Comme si, en somme, on redécouvrait chaque jour qu’il y a des hommes qui, sérieusement, n’aiment guère leurs semblables, et peuvent entraîner les autres, non dans un filet tendu par une stratégie électorale, mais sur le chemin de leur conviction.

C’est une mauvaise nouvelle : la civilisation conçoit et nourrit en son sein des ennemis tels que Claude Guéant. Etre l’occasion de ce rappel à la vigilance justifie quand même qu’on adresse au Ministre de l’Intérieur un signe d’affection. Alors longue vie à Claude Guéant ! Qu’il se réjouisse aussi. La victoire de la Gauche aux élections de mai, en le déchargeant du poids des affaires publiques, lui donnera tout le temps d’aller exposer sa pensée à ceux qui l’apprécieront le mieux : les copains du bistro.


Matthieu Niango


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Petite chronique de la Poste ordinaire, par Sophie Duval



La réforme des retraites a fait oublier, un temps, d’autres débats, dont celui sur la réforme de la Poste. En janvier 2010 le Parlement avait adopté définitivement le projet de loi visant à modifier le statut de La Poste, la création d'une société anonyme à capitaux 100% publics afin de "moderniser et adapter" l'entreprise à l'ouverture totale de la concurrence le 1er janvier 2011, c’est à dire dans quelques semaines.
C’est sur la conception de la « modernisation » de nos élus que je voudrais aujourd’hui réagir, en racontant ma petite histoire.

Travaillant beaucoup, je n’ai souvent pas le temps de sortir aux horaires d’ouverture des magasins et je suis devenue petit à petit adepte de l’achat par Internet. C’est pratique, cela va vite, et je trouve exactement ce que je cherche. Je reçois mes colis dans ma boite aux lettres, ou au pire au bureau de poste deux rues derrière chez moi, qui est ouvert jusqu’à 20h. Cette évolution de la société, des modes de communication, la révolution Internet, je trouve tout cela formidable !

Oui mais, depuis quelques mois, tout est différent. J’ai eu le malheur de déménager. Oh, pas très loin, j’ai juste traversé la seine, et perdu deux arrondissements. J’ai continué mes achats habituels sans me poser de questions.

Le premier colis n’est jamais arrivé, renvoyé à l’expéditeur. Le deuxième non plus. Le troisième a été carrément perdu. Le quatrième également et c’était plus grave, il contenait ma livebox Internet et difficile de m’en passer.

Armée de mon plus beau sourire je suis donc allée demander de sérieuses explications au bureau de poste. Et voici l’explication : comme La Poste a privatisé la livraison de colis, ceux qui les livrent n’ont plus le pass pour entrer dans les immeubles parisiens (privilège des facteurs). Le livreur de colis n’a donc ni pu sonner chez moi, ni même me laisser le papier indiquant que le colis était arrivé. Il nous l’a envoyé… par la poste. Compte tenu des délais, il est arrivé plus d’une semaine plus tard dans ma boîte, je me suis précipitée à la poste… et le colis était déjà reparti car le délai de 15 jours était écoulé. Quand au coli perdu, il semble que depuis la réorganisation du centre de tri, devant permettre sa modernisation, cela arrive tout le temps.

Réaction du monsieur à La Poste : "Mais madame, il ne faut plus acheter sur Internet, il faut aller dans les magasins".

La voici donc, cette fameuse réforme de La Poste, devant permettre sa "modernisation". N’achetons plus sur Internet et privons-nous de ce bel outil.

Après tout, pour certains, la décroissance est l’avenir de la planète. Nos dirigeants seraient donc en train de faire de la France un pays terriblement moderne. Il ne me reste plus qu’à aller détacher mon cheval et mettre mon chapeau à plumes pour aller chez le tailleur.

En avant les amis, nous vivons dans une France moderne !


Sophie Duval

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Les chemins de l'enfer, par Matthieu Niango



Les médias ne sont plus libres en France : on ne tremble plus en l'écrivant car tout le monde le sait. Pseudopodes des grands groupes économiques, les journaux, la radio et la télévision, après avoir été muselés par les barons du monde de l'argent, l'ont été par ceux de la droite au pouvoir, en qui les premiers ont trouvé leur maître. On sait tout désormais des variations sur les amusements de la Cour, ou sur ses malheurs commandés, destinés à détourner l'attention des Français des vrais poblèmes. Quant à la presse d'opposition, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Et Philippe Val, comme il était en lice pour devenir le patron de France Inter, d'avoir apporté à son possible protecteur la tête de Siné sur un plateau pour avoir critiqué le Prince...


On a pu également souligner toute l'adresse d'un gouvernement qui parvient parfois à insuffler le sentiment de scandale à l'opinion, quand, précisément, la presse fait œuvre utile, en dénonçant les manipulations du pouvoir. Le président et sa suite épousent les traits de l'indignation face à des journalistes qui ont le front de leur échapper. Afin de ne pas se salir les main, ils montent alors la foule contre eux.

On a pu notamment souligner la maestria du sarkozysme d'opinion après qu'un superbe article de Paris Match, daté de septembre 2008, avait relaté dans tous ses détails les véritables circonstances de l'attaque des soldats français en Afghanistan. Tout le monde poussa les hauts cris, entraîné par le ministre de la Défense Hervé Morin, face aux photos des talibans qui arboraient les montres et les chaînettes des Français morts au front...sans lire ici, comme il aurait fallu, une dénonciation des conditions d'action de ces jeunes gens sous-équipés et mal encadrés que l'armée venait d'envoyer à la mort. O ! Pays des libertés ! Où la presse est, selon Reporters sans frontières, classée 43ème sur 150 pour ce qui est de l'indépendance, juste derrière le Surinam et la Guyana !

De façon plus générale, la droite a bien travaillé pour rendre toute fictive la liberté d'expression. Formellement préservée, elle se heurte en réalité à l'impossibilité de dire du mal de ceux qui tiennent l'accès aux canaux de diffusion, canaux sans lesquelles une telle liberté demeure lettre morte. Parlez de ce que vous voulez devant votre télévision, commentez de la façon la plus acerbe le journal que vous lisez, ou votre livre de chevet, ou ce que le Monsieur dit à la radio ; mais ne comptez pas trop accéder à l'autre côté du mur qui vous renvoie le son de vos propres critiques...

Il faudra bien que la gauche, une fois revenue aux affaires, mette bon ordre dans ces collusions malsaines, en assurant l'indépendance des médias vis-à-vis du pouvoir politique et du pouvoir économique. Mais, pour l'heure, peut-on affirmer que l'opposition favorise réellement la liberté de dire ce que l'on veut ? A-t-elle toujours bien fait entendre la voix du parler franc quand une chappe de plomb descendait sur la plupart des langues ?


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Les oubliés, par Pierre Haroche



Le 8 mai dernier, le Président Sarkozy a commémoré la victoire de 1945 à Colmar en rendant un hommage particulier aux "malgré nous", ces Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans l'armée allemande. L’année dernière, c’était le tour des “oubliés de la République“, les soldats coloniaux venus d’Afrique, d’être distingués le 8 mai, dans la lignée du film Indigènes. Il semble ainsi que le Président ait choisi d’instaurer une tradition de commémorations catégorielles, prenant en charge la mémoire de groupes longtemps négligés par les cérémonies officielles.


Il existe pourtant un groupe systématiquement oublié des commémorations. Un groupe qui a chèrement payé le prix de la lutte contre le nazisme et pour lequel aucun porte-parole ne revendique un "hommage particulier". Un groupe refoulé de la mémoire collective au point que personne ne pense à s’en émouvoir. Ce groupe, ce sont les 5 millions de Français mobilisés en 1940, dont 90 000 ont été tués pendant la campagne de France, et près de 2 millions ont été internés dans des camps de prisonniers en Allemagne. La République a toujours célébré les résistants, les forces françaises libres, les alliés débarqués en 1944, mais jamais les soldats de 1940. Les "poilus" de 14-18 ont été maintes fois honorés et leurs témoignages ont été recueillis avec soin. A l’inverse la mémoire des soldats de 1940 semble toujours un sujet tabou. Comme si une convention tacite voulait qu’on ne commémore que les vainqueurs et qu’on oublie les vaincus. Comme si ces combattants n’avaient pas fait preuve d’autant de courage et de sacrifice que les autres. Comme si soixante-dix ans après, il fallait encore leur faire payer leur défaite en les effaçant de la mémoire nationale.

Contrairement à ce que laissent entendre les mythes rétrospectifs, ces hommes n’ont pas refusé de se battre, ils ne se sont pas rendus en masse et la campagne de France n’a rien eu d’une promenade pour l’armée allemande. Ces hommes se sont battus, parfois avec acharnement, comme au village de Stonne, dans les Ardennes, pris et repris dix-sept fois en quatre jours. Et ils ont été les victimes d’une défaite dont les causes n’avaient rien à voir avec leurs mérites individuels. Mourir pour la victoire est un acte héroïque. Mourir dans l’humiliation et la culpabilité de la défaite, mourir en laissant son pays, sa famille, ses amis aux mains de l’occupant est une tragédie bien plus terrible encore et qui mérite un hommage.

Ernest Renan a dit de la Nation : "Avoir souffert ensemble : oui, la souffrance en commun unit plus que la joie". Réhabiliter les oubliés de 1940 serait une preuve de maturité de la conscience nationale bien plus forte et constructive que le calamiteux débat sur l’identité nationale que nous a offert le gouvernement. Espérons qu’un jour, un Président de la République aura enfin le courage de dire : "Honneur aux vaincus".



Pierre Haroche

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La paix passera par les intellectuels, par Manon Garcia



Cette semaine devait se tenir au Centre français de culture et de coopération du Caire le festival "Les Rencontres de l’image". Cette manifestation visait à réunir les films de jeunes réalisateurs égyptiens et français. Conçue comme une fenêtre sur ces deux civilisations, elle devait permettre à ces artistes de se découvrir, de débattre, d’apprendre les uns des autres. Parmi les films sélectionnés par le centre culturel, le court-métrage de Keren Ben Rafael, élève de la Femis, grande école de cinéma française. Seulement voilà, Keren Ben Rafael est israélienne. Elle a fait ses études en France, elle vit en France, son film a été produit en France mais elle est de nationalité israélienne, l’action de son film se déroule en Israël et, comme toute jeune Israélienne, elle a fait son service militaire.


La semaine dernière, un réalisateur égyptien, Ahmed Atef, juré du festival, a décidé de démissionner pour protester contre la présence du film de cette réalisatrice. Il a été suivi par d’autres collègues. Le Quai d’Orsay a, tout d’abord, accepté de retirer le film incriminé et s’est ensuite ravisé, ouvrant la porte à une contestation de grande ampleur dans le monde du cinéma égyptien. Les intellectuels, qui ont depuis décidé de retirer les films égyptiens de la compétition et de boycotter les rencontres, accusent l’Etat français de vouloir forcer une "normalisation culturelle" qu’ils rejettent avec l’Etat hébreu.

Les accords de Camp David, instaurant la paix entre Israël et l’Egypte, ont fêté la semaine dernière leur trente-et-unième anniversaire. Chaque semaine, le président égyptien, Hosni Moubarak, dialogue avec les hommes politiques israéliens. L’Egypte fournit la majeure partie des hydrocarbures israéliens, la coopération agricole est intense… Et pourtant, les intellectuels et artistes égyptiens, dans leur majorité, refusent ce qu’ils appellent la "normalisation culturelle". Il est presque impossible pour les Egyptiens d’avoir accès à la culture israélienne et bien des artistes égyptiens refusent, contraints ou non, l’accès des Israéliens à leurs œuvres. La méfiance du monde culturel égyptien à l’égard de l’Etat hébreu avait d’ailleurs connu une publicité toute particulière lorsque Farouk Hosni, ministre de la Culture égyptien indéboulonnable depuis plus de vingt ans, avait décrété en 2008 qu’il était prêt à "brûler lui-même des livres israéliens s’il en trouvait dans les bibliothèques égyptiennes", propos qui expliquent sans doute en partie l’échec de sa candidature à la direction générale de l’Unesco.

Aujourd’hui, la position de ces intellectuels et de ces artistes semble absurde: si une chose est claire, de part et d’autre des frontières et des murs de séparation, c’est qu’il faut bâtir la paix au Proche-Orient, une paix qui passera par la construction et la reconnaissance le plus rapidement possible d’un Etat palestinien. Depuis soixante ans, la politique et la diplomatie ont montré leurs limites. Aujourd’hui, seule la société civile parviendra à faire émerger la paix. Plus que jamais, il faut favoriser le dialogue, l’échange, les initiatives communes. Et les artistes devraient être les précurseurs de cette paix future. Traditionnellement, ce sont eux qui ont été à la pointe du combat pacifiste, que ce soit pendant les deux guerres mondiales ou pendant la Guerre froide. C’est dans ce sens que la position de ces cinéastes égyptiens est grotesque. Refuser le dialogue avec le cinéma israélien aujourd’hui semble d’autant plus incompréhensible que nombre de réalisateurs représentent bien ce que l’on appelle "l’autre Israël", cette société parfois invisible de l’extérieur qui se bat au quotidien contre la colonisation, contre les violences quotidiennes infligées aux Palestiniens, et pour la paix, pour une paix juste et durable. Que penserait-on d’un pays qui refuserait de montrer les films d’Abbas Kiarostami, réalisateur iranien qui s’est vu décerner la Palme d’or au Festival de Cannes en 1997, au motif qu’il vient d’un pays misogyne, autoritaire et antisémite ?

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Berlusconi et les Jeunes populaires



Les "jeunes populaires" ont réussi à ridiculiser la moitié du gouvernement dans une vidéo qui fait le tour de la toile depuis le début de la semaine; leur œuvre n'est pas sans rappeler le clip de campagne de Berlusconi tourné en 2008, ou l'hymne –tout aussi officiel, ce n'est pas une parodie!– lancé pour la candidature de Silvio Berlusconi au prix Nobel de la paix. Les images sont édifiantes...
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"Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat !", par Mathias Chichportich



À l’heure où les préfectures deviennent le lieu d’empoignades passionnées sur les valeurs abstraites de l’identité nationale, on s’étonne que, dans les couloirs de la Chancellerie, les conditions concrètes de la garde à vue fassent l’objet d’un débat aussi tiède.

La garde à vue, mesure privative de liberté entreprise à l’encontre d’une personne suspectée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction, n’en finit pas de susciter la controverse. Il y a déjà plusieurs mois, l’association "Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat" a alerté la Garde des Sceaux sur l’incompatibilité du système français avec la Convention européenne des droits de l’Homme. Soutenue récemment par le bâtonnier de Paris, Me Charrière-Bournazel, l’association milite pour que l’avocat ait accès au dossier, et qu’il soit placé aux côtés de la personne gardée à vue durant l’interrogatoire.
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Les citoyens sont-ils bêtes ? par Pierre Haroche



Les citoyens sont-ils bêtes ? C’est en substance ce que semblent se demander la plupart des commentateurs et leaders politiques. A l’approche des élections européennes, le fait majeur demeure en effet le désintérêt et l’absence totale de débat sur les questions de fond. D’où le reproche adressé par les élites aux citoyens en forme de paradoxe : vous avez exprimé votre mécontentement à l’égard de l’Union européenne lors des référendums ; maintenant que vous avez le pouvoir de décider, pourquoi refusez-vous de le prendre ?


En réalité, ce paradoxe n’est qu’apparent car il présuppose qu’à l’occasion des élections européennes, les citoyens ont véritablement le pouvoir de décider de l’avenir de l’Union. Mais est-ce bien le cas ? Les citoyens qui votent aux élections nationales ont au moins deux pouvoirs essentiels : désigner un leader et son équipe à la tête de l’exécutif d’une part ; donner un mandat à un programme législatif d’autre part. Ce sont ces deux enjeux qui structurent le débat électoral et créent un lien de responsabilité entre représentants et représentés. Or au niveau européen, les citoyens ne retrouvent aucun de ces deux pouvoirs.

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Pourquoi les universités sont-elles en grève ? par Emmanuel Martin



Depuis quelques semaines, un mouvement de protestation qui "couvait" dans l’université –pour reprendre l’une des métaphores journalistiques assimilant les mouvements sociaux à des incendies– se propage de plus en plus largement, au point qu'une grande majorité d'établissements, à l’heure de la rédaction de ce billet, connaissent des grèves, blocages, rétentions de notes et grèves administratives, etc. Les porte-parole les plus entendus de ce mouvement sont des associations et des syndicats d’enseignants-chercheurs. Population assez peu encline à manifester bruyamment, d’ordinaire, au point que le mouvement étudiant contre la LRU (loi sur la liberté et la responsabilité des universités, votée en août 2007) lui avait reproché son indifférence coupable à l’époque. Pourquoi les universitaires, et à leur suite, les étudiants, chercheurs et personnels des universités et organismes de recherche, se mettent-ils en grève ?
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O tempora ! O Jaurès ! par Emmanuel Martin et Matthieu Niango



« Rajeunir le parti » : c'est le mot d'ordre auquel se rallient l'ensemble des socialistes depuis quelques années. La formule enferme la conscience d'un décalage entre un parti vieillissant et un électorat avide de renouvellement.

 
Qui profère un tel impératif ?
 
Le citoyen lassé d'entendre les vaincus d'hier et d'avant-hier promettre la victoire demain : les jeunes lions que l'attente finira par changer en éléphants, cela va de soi ; mais aussi une arrière-garde chenue, protégée par des bataillons de militants professionnels, nommés par quelques puissants féodaux... toutes personnes que l'on imagine mal abandonner d'eux-mêmes le commandement où ils ont blanchi avec tant de délices.

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100€ + 100€ = 1000€, l'inégalité face à la crise, par Jeanne-Marie Roux



Et si nous revivions la crise de 1929 ? Les moments de l’histoire auxquels sont le plus rapportés les bouleversements actuels sont bien plus récents, mais le spectre qui hante nos esprits, c’est cette crise lointaine, dont les conséquences désastreuses ont marqué l’histoire du premier vingtième siècle. Le catastrophisme si naturel à notre temps trouve dans la perspective de son retour de quoi alimenter nos angoisses sur l’avenir, ce qui ne fera pas remonter la consommation, ni l’investissement des entreprises, et ne fera pas plaisir à "monsieur son mari", ni aux quelques hommes qui habitent notre belle planète avec lui. Mais ne soyons pas fatalistes, les hommes apprennent de leurs erreurs, paraît-il, le pire n’est pas toujours sûr. Alors tâchons d’apprendre, nous aussi, des erreurs du passé. Que faire ? En 1929, ceux qui n’ont pas voulu voir la crise s’y sont mal préparés –pour notre part, nous pourrions dès aujourd’hui faire des provisions de pâtes et de sauce arrabiata, et prévoir, parce que nous sommes généreux, de les partager avec notre voisin imprévoyant. Mais nous pourrions aussi, si le cœur nous en dit, tenter de réfléchir à l’équilibre des pouvoirs que révèle une telle crise, et ne pas hésiter à le juger.

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Ingrid Betancourt, la Nelson Mandela du pauvre, par Matthieu Niango



Comme tout le monde, j’ai accueilli avec joie la nouvelle de la libération d’Ingrid Betancourt, mais aussi avec la crainte que ce sentiment ne se transforme bientôt en agacement. Cet agacement, une comparaison trop récurrente l’a rendu réel. Car non, contrairement à ce que de nombreux médias ont bien vouloir écrire, Ingrid Betancourt n’est pas Nelson Mandela !


1. Nelson Mandela a lutté activement contre l’apartheid, ce qui lui a valu une condamnation à 27 ans de réclusion. C’était donc un prisonnier politique. Ingrid Betancourt était candidate à la présidence de la République lorsqu’elle s’est faite enlever et enfermer pendant 6 ans par les FARC, des narcotrafiquants dont elle ne menaçait pas particulièrement les intérêts. Son emprisonnement répondait avant tout à des fins économiques et militaires (elle constituait avec d’autres otages un bouclier humain). Ce n’était donc pas une prisonnière politique.

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Une visite d'Etat au Gabon, par Matthieu Niango



Je reviens d’un voyage en Afrique, un continent dont j’ai eu la chance de traverser seul les vingt pays de la côte ouest pendant ces dix derniers mois.

Un jour, je me promenais à Libreville avec un ami gabonais. Comme dans beaucoup de villes d’Afrique noire, les rues y sont bordées d’échoppes et d’étals de fruits et légumes. Un groupe de vendeuses portaient des t-shirts a l’effigie de Nicolas Sarkozy et d’Omar Bongo, qui dirige le Gabon depuis quarante et un ans. Je m’étonnai d’une telle popularité du président de la République francaise et questionnai donc mon ami.

Le matin du 27 juillet 2007, mon ami, qui est taxi, se rendit comme d’habitude au petit aéroport de Libreville.  Sur le tarmac il vit descendre d’un car du parti democratique gabonais –le parti de Bongo– un groupe de femmes portant les fameux t-shirts et des banderoles du même genre.  Il était six heures du matin.

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La virginité, "qualité essentielle de la personne" ? par Julien Jeanneney



Le 1er avril 2008, le Tribunal de grande instance de Lille a rendu un jugement d'annulation d'un mariage sur le fondement de l'article 180 du Code civil. Les faits sont les suivants: un homme épouse une femme qui lui affirme qu'elle est vierge; tous deux sont de confession musulmane. Le soir des noces, l'homme croit s'apercevoir que sa femme a perdu sa virginité. L'homme porte devant les tribunaux une action en annulation de ce mariage. Le juge prononce alors la nullité sur le fondement de l'article 180 du Code civil qui dispose qu'un époux peut la demander "s'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne''. En rendant une telle décision, le juge affirme que le consentement donné par les époux était vicié depuis l'origine, et que le mariage est réputé n'avoir jamais été formé.

Nombreuses sont les voix qui se sont élevées –celle d'Elisabeth Badinter entre beaucoup d'autres– pour décrier, à juste titre, la portée rétrograde d'une telle décision par laquelle la République donne raison au mari et à son exigence de virginité.
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Une once de distance critique, par Julien Jeanneney



Le métier de journaliste politique repose sur un équilibre difficile : d'un côté, il faut être suffisamment proche de ses sources pour accéder à l'information et nourrir ses articles de commentaires "off"; de l'autre, il faut conserver la saine distance qui permettra, en toute situation, de les critiquer. Ceux des journalistes qui ne respectent pas la première règle sont condamnés à ne travailler que sur de l'information indirecte. Ceux qui ne respectent pas la seconde sacrifient leur indépendance journalistique sur l'autel d'une dangereuse complaisance. Les premiers ont du mal à faire leur travail. Les seconds font semblant de le faire, ce qui est plus grave encore.

Savoir conserver une once de distance critique est donc le moins que l'on puisse attendre de la part d'un journaliste politique. Lorsque cette distance s'efface, le journaliste s'expose non seulement à un blâme moral, mais il risque le discrédit.
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Un Président redevenu candidat, par Mathias Chichportich



Malmené sur les questions économiques et sociales, le Président de la République tente de reprendre la main en concentrant le débat public sur un terrain qu’il estime plus favorable. La méthode est connue : susciter la polémique, se placer aux cotés des victimes puis dénoncer le politiquement correct et la pensée unique. Conscient de la piètre réaction suscitée par la proposition concernant l’enseignement de la Shoah en primaire, le voici de retour sur un sujet de prédilection : la justice et la sécurité.


Les suites données à la décision du Conseil Constitutionnel concernant la rétention de sûreté illustrent pleinement la méthode présidentielle. A propos du principe de non rétroactivité, on voit mal quel montage juridique pourrait permettre à la Cour de Cassation de contourner l’une des pierres angulaires du droit pénal français et européen. 

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Transcender les partis, par Julien Jeanneney



Après une baisse brutale de la côte de popularité du Président de la République dans les sondages, un "appel républicain" a été publié dans le magazine Marianne pour critiquer plusieurs dérives patentes du régime. Les auteurs, de tous bords politiques –on y croise Chevènement et Villepin, Royal et Bayrou, Dupont-Aignan et Delanoë– se rassemblent autour de quatre valeurs à leurs yeux essentielles : un attachement au principe républicain, aux fondamentaux d'une laïcité ferme et tolérante, à l'indépendance de la presse et enfin aux grandes options qui ont guidé la politique étrangère de la France depuis cinquante ans.

L'idée d'un "front républicain" doit être saluée, dès lors que convergent ces idées, même très larges, qui sont défendues par des personnalités de différents partis. Mais l'initiative, si elle ne doit pas être sous-estimée, ne doit pas non plus être surévaluée: les intérêts d'un jour ne se pérenniseront certainement pas.
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Le fétichisme du chiffre, par Francesco Avvisati



En jouant avec l'argent de la Société Générale au PMU des riches, Jérôme Kerviel a fini par provoquer pour son employeur une moins-value de presque 5 milliards d'euros. Avec une victime collatérale: celui qui a imposé son fétichisme du chiffre comme stratégie de communication en matière économique, et qui ne cache pas son énervement.

En effet, comme le PIB est calculé à partir des bénéfices des entreprises, ces 5 milliards d'euros partis à l'étranger pour une large part (pas en fumée: comme au PMU, avec les options sur les indices boursiers il y a toujours un gagnant et un perdant) pèseront à la fin de l'année dans les chiffres du PIB 2008. 5 milliards d'euros, c'est un quart de point de croissance en moins - vous voulez 3%? il faudra viser maintenant 3,25%. (0,25% de PIB, c'est ce qu'espérait gagner il y a quelques années une autre équipe gouvernementale par l'abolition d'un jour férié).

Si, comme c'est probable, les gagnants de cette "fraude" ne sont pas assujettis à l'impôt sur les sociétés français, 5 milliards de bénéfices en moins c'est aussi (au pif, évidemment) 1,6 milliards de recettes fiscales en moins: une perte d'environ 0,6% des recettes annuelles totales du trésor public. Ce sera d'autant plus dur de maintenir l'endettement en deçà des 3% par rapport au PIB. La bonne nouvelle pour l'Etat, c'est que les bénéfices au titre de l'année fiscale 2007 n'ont pas été touchés, la fraude ayant été découverte en janvier 2008: il y aura le temps de préparer ce choc sur les finances publiques...


Francesco Avvisati

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Les socialistes et le traité simplifié, par Mathias Chichportich



« Nous avons décidé de ne pas faire obstacle à la ratification de ce traité. Mais nous contestons le choix du gouvernement d’avoir choisi la voie parlementaire et non le référendum » ; voilà comment le désormais célèbre Jean-Jacques Urvoas a exprimé la position du groupe socialiste sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification du Traité de Lisbonne.

 
Au fond on explique que le texte est une avancée, que la procédure est inappropriée et qu’il faut donc s’abstenir de le voter. Adopter cette posture était selon la direction le seul moyen de ne pas ouvrir un débat qui aurait laissé l’image d’un parti fracturé et ce à deux moi du scrutin municipal. Quel est le résultat d’une telle stratégie ?
 
A coup sûr un message inaudible. Dans une démocratie médiatique comme la nôtre peu sont les Français qui ont saisi la position exprimée par les socialistes. Beaucoup associent l’abstention au refus de voir le texte entrer en vigueur, certains y voient l’adhésion implicite à la méthode employée par le Président de la République. Peu importe ici ce que l’on pense du texte, le PS aurait gagné à tenir un discours cohérent. Dire que le Parlement n’a pas à désavouer le peuple et qu’il convient par là même de ne pas autoriser la ratification. Dire que le Traité permet un pas en avant et qu’il convient de ce fait de réviser la Constitution. Voilà qui aurait donné l’image d’un parti qui prend ses responsabilités.

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