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O tempora ! O Jaurès ! par Emmanuel Martin et Matthieu Niango



« Rajeunir le parti » : c'est le mot d'ordre auquel se rallient l'ensemble des socialistes depuis quelques années. La formule enferme la conscience d'un décalage entre un parti vieillissant et un électorat avide de renouvellement.

 
Qui profère un tel impératif ?
 
Le citoyen lassé d'entendre les vaincus d'hier et d'avant-hier promettre la victoire demain : les jeunes lions que l'attente finira par changer en éléphants, cela va de soi ; mais aussi une arrière-garde chenue, protégée par des bataillons de militants professionnels, nommés par quelques puissants féodaux... toutes personnes que l'on imagine mal abandonner d'eux-mêmes le commandement où ils ont blanchi avec tant de délices.
 
Qui, malheureusement, n'ose pas le proférer ?
 
Ceux dont la pensée et l'expérience politique se sont forgées à l'extérieur de l'appareil du parti, et dont la fraîcheur –quel que soit leur âge– porte en elle le seul renouvellement possible.
 
Rajeunir le parti, c'est y faire entrer des camarades qui ne s'y trouvaient pas, et non pas promouvoir ceux qui –si jeunes soient-ils en âge– n'ont jamais eu d'autre horizon que celui des calculs déplorables, où s'épuise, au fil des ans, leur énergie initiale. Un ouvrier qui, à l'heure de la retraite, décide de consacrer quelques années de sa vie au parti socialiste le rajeunit davantage qu'un jeune socialiste devenu professionnel après avoir acquis ce qu'il tient pour des compétences politiques indispensables.
 
Devenir jeune professionnel de la politique, c'est se condamner à vieillir trop vite. Il y a au parti socialiste des vieillards de trente ans.
 
Le mot d'ordre ne suffit décidément pas. Le renouvellement exige en réalité la fin de cette confiscation démocratique, et le seul moyen d'y parvenir consiste en une limitation des mandats, souvent réclamée en vain, au sein du parti comme en-dehors.
 
Qu'il s'agisse de la sempiternelle succession d'un même mandat, ou du cumul de fonctions électives simultanées –au mépris parfois de l'équilibre des pouvoirs et de l'attention que chacune de ces fonctions exige– il incombe au parti socialiste de définir des règles claires et incontestables, et de les appliquer d'abord à ses membres, en attendant de les imposer légalement, voire constitutionnellement, à l'ensemble des élus français.
 
Le rajeunissement est à ce prix. Un prix certes élevé pour ceux qui ont jusqu'alors bâti leur domination sur ce pillage, tout en appelant hypocritement de leurs voeux un changement qui aurait à leurs yeux pour effet l'arrivée de nouveaux concurrents.
 
C'est au peuple de gauche de faire pression sur un parti qui se dit le sien, pour traduire en actes le vain discours du rajeunissement. À travers la presse, internet, la radio et la télévision, il faut dénoncer plus fort encore le scandale du socialisme féodal, c'est-à-dire exiger la limitation définitive et sans hypocrisie des mandats électifs. En limitant structurellement une telle confiscation démocratique, en évitant de rendre les nouvelles générations vieilles avant l'âge, on facilitera sans doute la recherche d'idées nouvelles.



Emmanuel Martin et Matthieu Niango

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