Réformes: néo-libéralisme ou néo-bonapartisme ? par Pierre Haroche
Et pourtant, une fois levé le voile des discours idéologiques, un seul fait crève les yeux : les réformes Pécresse et Bachelot tiennent beaucoup moins de la recherche de la performance que de la recherche de la centralisation du pouvoir, à tout prix et à tous les niveaux. A l’université, la performance c’est la pluralité et l’indépendance des organes de décision, ce qui protège les chercheurs originaux et innovants, et limite le poids des intrigues de cour ; et pas les pleins pouvoirs donnés aux présidents d’université dans la gestion des carrières, quelle que soit la discipline. A l’hôpital, la performance, ce sont des directions collégiales qui intègrent les exigences médicales et les contraintes financières ; et pas les pleins pouvoirs donnés à des directeurs d’hôpitaux qui ne sont pas médecins, et pourront désormais décider de l’offre de soins et des spécialités de leurs établissements en fonction de critères strictement comptables, sans tenir compte des besoins de la population.
Loin du néo-libéralisme qu’on leur impute souvent, la logique des réformes actuelles tient en fait beaucoup plus du néo-bonapartisme. Tout se passe comme si l’hyper-présidence pratiquée à la tête de l’exécutif devait être répliquée à tous les échelons par de petits chefs locaux, des nouveaux préfets, chargés de tout régenter sans aucun contre-pouvoir. A l’opposé, aux Etats-Unis, patrie du néo-libéralisme, les universités et les hôpitaux sont régis sur un mode beaucoup plus collégial. Derrière le mythe de l’adaptation de la France aux standards internationaux se profile en fait un projet politique d’un autre siècle, celui de la concentration systématique du pouvoir, des institutions politiques aux chaînes de télévision, des universités aux hôpitaux.
L’enjeu aujourd’hui n’est donc pas la résistance de telle ou telle catégorie professionnelle à une réforme ponctuelle. L’enjeu est ni plus ni moins d’éviter à la France de se transformer, demain, en république des préfets.
Pierre Haroche