Question de tactique, par Pierre Haroche
Oui, mais voilà, les dernières élections régionales sont venues mettre à mal ce bon sens apparent. D’un côté, la droite rassemblée dans des listes uniques dès le premier tour, de Jean-Marie Bockel à Philippe de Villiers, s’est retrouvée sans réserve de voix au second tour. De l’autre la gauche, partie en ordre dispersé, a proposé aux Français une offre suffisamment diversifiée pour ratisser large, du Front de Gauche à Europe Ecologie, en passant par le PS, et a atteint un niveau historique par l’addition de ses forces au second tour. La victoire par la diversité : serait-ce le nouveau slogan à la mode ?
Bien entendu, personne n’a jamais pensé qu’une élection se jouait uniquement sur des choix tactiques. Mais cet exemple est une bonne occasion de s’interroger sur leur valeur réelle, toutes choses étant égales par ailleurs, et d’en tirer des enseignements pour la suite.
Tentons d’inverser les données du problème. Et si le rassemblement n’était pas la condition mais le produit de la victoire ? Et si l’éclatement n’était pas la cause mais le symptôme de la défaite ? L’unité de la droite s’est en effet construite à partir de ses succès présidentiels (l’UMP était au départ l’Union pour la majorité présidentielle), car face à un Président fort, les opposants internes n’ont que le choix entre le ralliement et la marginalité. Par un mouvement mécanique aussi simple, ce sont les défaites de la gauche qui, par l’appel d’air que crée un leadership faible, ont légitimé toutes les compétitions internes.
Et que voit-on aujourd’hui ? Dominique de Villepin s’apprête à fonder un nouveau parti pour offrir une alternative à droite. Le dernier remaniement ministériel tente de colmater les brèches en rappelant en hâte les proscrits d’hier, notamment François Baroin le chiraquien et Georges Tron le villepiniste. Bref, la défaite a relancé à droite ce qui était réputé être une exception culturelle de la gauche : les manœuvres d’appareil.
Quelle leçon en tirer ? Préconiser la tactique du rassemblement ou la tactique de la diversité n’a que peu de sens, tout simplement parce que ce ne sont pas des tactiques, mais des reflets du rapport de force. Poser des clivages, construire des majorités en s’appuyant sur des projets, voilà les vraies tactiques. Le rassemblement des ambitions et des appareils quant à lui viendra toujours au secours d’une dynamique victorieuse.
Lao Tseu l’a dit : « Seul le sage montre l’étoile. L’imbécile regarde le doigt. »
Pierre Haroche