Les chemins de l'enfer, par Matthieu Niango
On a pu également souligner toute l'adresse d'un gouvernement qui parvient parfois à insuffler le sentiment de scandale à l'opinion, quand, précisément, la presse fait œuvre utile, en dénonçant les manipulations du pouvoir. Le président et sa suite épousent les traits de l'indignation face à des journalistes qui ont le front de leur échapper. Afin de ne pas se salir les main, ils montent alors la foule contre eux.
On a pu notamment souligner la maestria du sarkozysme d'opinion après qu'un superbe article de Paris Match, daté de septembre 2008, avait relaté dans tous ses détails les véritables circonstances de l'attaque des soldats français en Afghanistan. Tout le monde poussa les hauts cris, entraîné par le ministre de la Défense Hervé Morin, face aux photos des talibans qui arboraient les montres et les chaînettes des Français morts au front...sans lire ici, comme il aurait fallu, une dénonciation des conditions d'action de ces jeunes gens sous-équipés et mal encadrés que l'armée venait d'envoyer à la mort. O ! Pays des libertés ! Où la presse est, selon Reporters sans frontières, classée 43ème sur 150 pour ce qui est de l'indépendance, juste derrière le Surinam et la Guyana !
De façon plus générale, la droite a bien travaillé pour rendre toute fictive la liberté d'expression. Formellement préservée, elle se heurte en réalité à l'impossibilité de dire du mal de ceux qui tiennent l'accès aux canaux de diffusion, canaux sans lesquelles une telle liberté demeure lettre morte. Parlez de ce que vous voulez devant votre télévision, commentez de la façon la plus acerbe le journal que vous lisez, ou votre livre de chevet, ou ce que le Monsieur dit à la radio ; mais ne comptez pas trop accéder à l'autre côté du mur qui vous renvoie le son de vos propres critiques...
Il faudra bien que la gauche, une fois revenue aux affaires, mette bon ordre dans ces collusions malsaines, en assurant l'indépendance des médias vis-à-vis du pouvoir politique et du pouvoir économique. Mais, pour l'heure, peut-on affirmer que l'opposition favorise réellement la liberté de dire ce que l'on veut ? A-t-elle toujours bien fait entendre la voix du parler franc quand une chappe de plomb descendait sur la plupart des langues ?
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Une once de distance critique, par Julien Jeanneney
Savoir conserver une once de distance critique est donc le moins que l'on puisse attendre de la part d'un journaliste politique. Lorsque cette distance s'efface, le journaliste s'expose non seulement à un blâme moral, mais il risque le discrédit.